Hacim
Rizvani de Djurdjeviste, village sur la pente ouest de Sara, se souvient
d'un matin de Février 1976, froid et brumeux, comme du jour de
sa renaissance.
Ce berger et son troupeau ont toujours été accompagnés
dans la montagne par Meca, une puissante et expérimentée
femelle, qui avait déjà plusieurs règlements de compte
avec les loups, les plus grandes ennemies pour l'homme et le bétail
sur Sara. Les accompagnaient également Murdzo et Karaman, Sarplaninci
de pure race. De temps à autre, les chiens levaient les museaux
en l'air, comme pour chercher une odeur qu'eux seuls connaissaient. Le
troupeau de 250 moutons était mené par deux béliers
aux cornes volumineuses, qui, tout d'un coup, ont commencé à
secouer leur tête.
- Je savais que quelque chose n'était pas normal, disait Hacim
Rizvani – et je ne souhaitais pas continuer le chemin. J'ai levé
le bras et de ce fait donné le signal aux chiens d'arrêter
le troupeau.
Les chiens de Hacim étaient dressés ils savaient sans faute
ce que signifiait chaque mouvement de leur maître: si il levait
la main gauche ou droite, si elle était droite ou horizontale.
Sur sa commande, sans mot, Meca, Murdzo et Karaman se sont mis à
aboyer et ramasser le troupeau.
- Meca, l'expérimentée, a vite accouru et s'est couchée
à mes pieds – se souvient Hacim.
Elle a posé sa tête sur ses pattes, mais son regard perçant
était dirigé vers le troupeau. Les moutons bêlaient
et s'amassaient, les têtes basses. On dit qu'ils se comportent ainsi
quand ils sont jaloux, quand ils ont des agneaux, mais je savais qu'à
présent c'était un autre problème. Peu après
les chiens se sont mis à hurler, seulement brièvement et
alors se sont mis à courir, inquiétés. Menés
par les béliers les moutons ont tout d'un coup commencé
à courir comme un grand nuage à côté de moi
et les chiens ne pouvaient les arrêter. A ce moment a retentit le
premier hurlement terrifiant et puis un hurlement prolongé: j'ai
compris que nous étions attaqués par une horde de loups
affamés. Je savais que pour Meca, Murdzo et Karaman la lutte pour
la vie ou la mort était proche. Car, le loup est parfois plus rusé
que le renard. Quand il est affamé, il peut très vite égorger
une vingtaine de moutons se contentant à boire le sang.
Hacim ne songeait pas qu'il va lui-même devoir luter à vie
ou à mort.
Sentant qu'il peut facilement accéder à la proie, un grand
loup est sortie de la forêt et s'est dirigé vers les moutons.
Cependant, quand il a vu l'homme arrêté derrière le
troupeau, il s'est rué sur lui.
Comme dans la fièvre, le berger essayait au début de tenir
le loup à distance avec son bâton. Le fauve affamé
et tenace a quand même réussi d'attraper quelques fois son
bras droit, dans lequel il tenait le bâton de berger. Le bras est
devenu bleu et a commencé à enfler. Il perdait rapidement
ses forces, sa tête tournait de douleur. Il est tombé en
saignant. Il essayait en vain de se lever. C'est la fin, se dit-il.
Au même moment, au bord de l’inconscience, il a vu que quelque
chose de volumineux, gris, courir vers lui comme un éclair. Encore
un loup, frissonna-t-il.
C'était cependant la femelle Meca. Elle s'est aperçue que
son maître était en danger de mort et elle volait à
son secours.
- Elle courrait autour du loup en cherchant le meilleur moment pour l’attaquer.
Quand le loup s'est de nouveau dirigé vers moi et quand de nouveau
je regardais la mort en face, le grand corps de Meca s'est élevait
en arc et elle a planté ses dents dans le cou du loup, sans hésitation.
Le fauve a hurlé de douleur et s’est mis à tourner
en rond, en essayant de se défaire de Meca. Tout d'un coup Murdzo
et Karaman se sont retrouvés ici. Et après un court grognement
ils se sont courageusement jetés sur le loup. Dans ce méli-mélo
de quatre bêtes furieuses, le loup a réussi à accrocher
avec ses dents Murdz et il est tombé près de moi en me regardant
pour la dernière fois. De son cou déchiré giclait
le sang.
Pendant ce temps Meca avec l’aide de Karaman a continué à
luter contre le loup, jusqu'à ce qu’ensembles ils aient maîtrisé
l'attaquant. Le troupeau et le maître ont encore une fois étaient
protégés et sauvés.
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